mardi 1 octobre 2013

Fontaine (de cash)

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
Bon. Ça y est. On peut mettre un chiffre dessus.

Le journaliste Michel Nogue, de Radio-Canada, a réussi à mettre la main sur des gardés sous scellé par l’UdeM jusqu’ici, documents qui nous révèlent les paramètres financiers du départ de l’ancien recteur Yvon Fontaine (Radio-Canada).

On demeure quelque peu estomaqués devant l’énormité des sommes consenties : de 550 000$ à 600 000$ pour les deux années de congé sabbatique suivant le départ de M. Fontaine, et de 45 867$ à 60 879$ par année en rente supplémentaire (c’est-à-dire par-dessus ce qui lui sera déjà versé en vertu du régime de pension de l’ABPPUM), le tout dépendant de combien longtemps il pourra survivre avant de décider de toucher sa rente. Survivre financièrement, s’entend.

La rente supplémentaire a été négociée en 2004. Aucune trace des discussions entourant cette mesure dans les procès-verbaux du CGV ne peut être trouvée. À la réunion précédant la signature de l’entente (19 juin 2004) il est proposé que l’évaluation du recteur soit repoussé à la session suivante; la réunion suivante (assemblée générale des 24 et 25 septembre 2004) les détails de cette évaluation ne sont pas révélés. Au point 16 du procès-verbal de la réunion du 24 septembre 2004, on ne lit que cette appréciation laconique de l’évaluation : «Cette partie de la réunion se déroule en présence des membres et de la secrétaire générale». Les yeux indiscrets, de toute évidence, sont jetés hors de la salle.

Procédure standard dans le milieu, sans doute.

Mais justement, ces «procédures standard» devrait nous inquiéter à la lumière du reportage de Michel Nogue. L’entente accordant la rente supplémentaire à Yvon Fontaine, ne semble pas avoir été discutée au conseil des gouverneurs, et de plus n’a requis qu’une unique signature (il semble), soit celle du président du CGV, pour son approbation. Standard boîteux pour la gestion de fonds publics, non?

Si c’est l’étendue du pouvoir qu’on remet entre les mains du président du CGV, on se demande bien à quoi, concrètement, sert le reste du Conseil. N’est-ce pas le rôle des gouverneurs d’aviser les décisions prises par l’Université de Moncton? Est-ce que le contrat -où le recteur est l’employé, et l’UdeM l’employeur, par l’entremise semble-t-il du président du CGV- n’a pas été discuté en raison d’un conflit d’intérêt dû à la présence du recteur à la réunion? Si oui, les portes ça fonctionne en deux sens. Si non, et que la confidentialité de ce document est, encore une fois, une «procédure standard», nous avons un sérieux problème en ce qui concerne la gestion des fonds qui sortent des poches des étudiants. L’Université, le CGV, et le recteur, à titre d’administrateurs de fonds publics, sont redevables non seulement aux étudiants mais à l’ensemble des contribuables de la province.

La transparence forcée et différée est une approche insuffisante en la matière.

Il y a manifestement des gens à l’intérieur même de l’appareil qui remettent en question les méthodes utilisées par notre institution. L’information qui a mis Nogue sur la piste du document à la base de son reportage n’est certainement pas sortie d’une fleur. Un contact à l’UdeM l’a mis sur la piste. Nous applaudissons le courage et l’initiative qu’un tel geste nécessite. Maintenant, espérons qu’au lieu de traquer la personne responsable, l’administration saura tirer parti de la situation en appliquant plus largement les principes de la divulgation active. Et, dans le même esprit, espérons que la réponse officielle de l’UdeM parviendra aux médias avant vendredi après-midi, cette fois…

Je reviens aux «pratiques standard» : les sommes remises à Yvon Fontaine –pension de sabbatique et rente supplémentaire- seraient comparables à ce qui se fait dans le domaine privé. L’argument revient à chaque fois qu’un ou une cadre de l’UdeM doit être remplacé(e) : il faut appliquer des conditions d’emploi et de travail qui soient comparables à celles offertes au privé pour s’assurer de candidats supérieurs.

Sans problème, ou du moins en principe, car ainsi on ouvre la porte aux vautours.

Toutefois, quand les grandes entreprises offrent des bonis annuels fondés sur la performance, ou des primes de départ à la retraite, elles le font en fonction de ce que la personne a contribué  à l’entreprise –financièrement. Plus élevée est la côte de la personne embauchée, plus élevé sera le salaire consenti à l’embauche : pourquoi? Parce que ce salaire est un investissement, sur lequel l’entreprise s’attend à un retour, et un retour proportionnel au salaire versé à cette personne. Le domaine privé est axé sur le profit, je ne vous apprends rien; le domaine public, lui, est fondamentalement différent. Toute contribution faite par le recteur Fontaine –et l’UdeM a connu une décennie de croissance importante sous son égide- s’est assortie d’une augmentation proportionnelle des dépenses, non d’un profit financier. Il faut reconnaître le travail qu’il a fait à la tête de notre institution, soit, mais ne faut-il pas également que ce travail soit fait pour le bien de l’institution et non en fonction des gains personnels qui peuvent en être ressortis? Travailler dans le domaine public, c’est assurer la gestion efficace des fonds qui vous sont impartis en vue de garantir le meilleur service possible.

Ces fonds proviennent des subventions gouvernementales, donc des contribuables, et des droits de scolarité, donc des étudiant(e)s; une part de fonds provient également des dons faits à l’institution venant du privé, le plus souvent par le biais de campagnes de financement. Il demeure qu’en 2012, les dons ne représentaient que 0,3% des revenus de l’UdeM, contre 20% pour les droits de scolarité et 61% pour les subventions (fédérales et provinciales) (Rapport annuel 2011-2012 de l’UdeM).

On est donc loin d’être une institution privée. La philosophie de l’Université de Moncton n’est pas d’accumuler du capital financier ou d’engranger des profits au dépens des deniers publics : une telle chose serait aussi impensable qu’immorale.

Or, quand on voit la rente supplémentaire et les deux années de sabbatique à salaire complet versées par l’Université  à Yvon Fontaine, le tout à partir de l’actif général de l’Université (et non du fonds de pension -auquel il aura également droit je vous le souligne), on se demande comment l’UdeM, en nous disant que «tout ce qu’il était possible de faire pour trouver les fonds ailleurs a été fait », peut justifier le besoin d’augmenter les droits de scolarité.

S’agirait-il donc d’une autre de ces satanées «pratiques standard»?

2 commentaires:

idiotbrigade a dit…

Article suspect vennant de "Raymond Blanchard, ARGENT de recherche et projet$"

HMM HMM HMM SCANDALE!

Communications Féécum a dit…

Et si ces pratiques sont standard, il faut se demander combien d'autres recteurs et vice-recteurs nous sommes en train de payer ou devrons payer après leur séjour au 2e étage de l'édifice Taillon.